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« La meilleure version de moi-même » ? - Le Mot du Padre du père Jean-Baptiste Perche

09 mars 2022 Le mot du Padre

Voici que deux hommes s’entretenaient avec lui : c’étaient Moïse et Élie, apparus dans la gloire. Ils parlaient de son départ qui allait s’accomplir à Jérusalem (Lc 9, 30-31).

Nous voici déjà parvenus au deuxième dimanche de notre Carême et la liturgie nous pose la question simple de la finalité ultime de ce chemin de dépouillement que nous avons entamé voilà plus de dix jours. En effet, par l’entretien de Jésus avec Moïse et Elie apparus dans la gloire, l’épisode de la Transfiguration nous révèle que Celui-ci est bien le Christ, Celui que le Père nous enjoint d’écouter, l’élu venu en aboutissement de la Loi et des Prophètes mais que cette venue doit trouver un accomplissement à Jérusalem, la ville qui abrite dans le Temple les sacrifices et la présence même de Dieu. Dans cette gloire de plusieurs instants dont les disciples sont les témoins, Dieu préfigure la gloire éternelle dans laquelle Son Fils sera emporté après Sa Passion, Sa mort et Sa résurrection. Il nous révèle que Jésus va être glorifié au prix d’un passage de la mort à une vie victorieuse de celle-ci par l’étape sacrificielle de la Croix. C’est ainsi qu’est manifesté toute la finalité de notre Carême ! Ce temps liturgique est celui de l’ouverture en nous d’un espace intime d’offrande, d’une disponibilité spirituelle pour l’union avec le Christ dans le but de mourir et renaître avec Lui pour entrer dans Sa gloire. En somme, la prière, le jeûne et l’aumône sont donc autant d’efforts ou de privations visant à mener une vie plus unie à Lui, c'est-à-dire plus ressemblante, plus configurée à la sienne pour vivre avec Lui la même destinée que Lui : l’entrée dans Gloire du Père par l’offrande de Sa Croix.

            Souvent, durant le Carême, nous voudrions faire de beaux efforts, parfois de manière mondaine, pour afficher notre détermination à vouloir participer à la vie de l’Eglise qui cherche à ressembler à Jésus. Nous décidons de quelques belles réalisations qui affirment à nos propres yeux et aussi aux yeux des autres notre volonté de nous améliorer : en prenant par exemple meilleur soin de notre hygiène de vie, en souhaitant nous délester parfois drastiquement d’une part de nos revenus, en veillant aussi plus fidèlement à l’exigence de la prière quotidienne. Mais tout ceci revêt-il finalement un sens si ce n’est pas vécu dans le but de nous unir spirituellement au Christ, dans Sa Passion, Sa mort et Sa résurrection ? Dans le but intime de le laisser en moi s’abaisser afin de mourir avec Lui pour enfin renaître avec Lui au jour de Pâques ? Je peux donc me poser la question du véritable motif de toutes les privations et de tous les efforts que j’ai envisagés d’opérer jusqu’aux jours de la Passion et de Pâques. Car le Carême est précisément un moment de ma vie qui doit correspondre à ce qu’a voulu faire Jésus pour nous sauver, un abaissement personnel et existentiel jusqu’à vouloir mourir pour les autres, et dans la faiblesse, offrir le monde pécheur sur une croix (cf. Ga 6, 14). Comment ne pas l’oublier ?

            Ainsi, durant ces semaines, les trois grands efforts n’ont-ils que ce seul but de nous aider à communier de plus en plus et graduellement au sacrifice rédempteur du Seigneur, en nous délestant pour cela du trop-plein égotique de nos jours, le culte de nous-même. Et nous devrons donc chercher à passer d’un culte à l’autre : de celui qui m’impose de vouloir hâter chaque jour davantage, à la manière du monde, la venue de la meilleure version de moi-même, comme l’exprime l’humoriste Blanche Gardin dans la série du même nom, à celui qui laisse s’offrir Jésus-Christ en ma personne. D’un culte peut-être exclusivement moral qui ne m’embellirait qu’esthétiquement et momentanément pour me contenter narcissiquement, à un vrai culte dans la foi, à la fois spirituel et humain, qui laisse plutôt l’Esprit de Dieu agir en m’unissant intérieurement et de façon réellement féconde à l’offrande du Fils fait homme. Quarante semaines font neuf mois, ces quarante jours symbolisent donc le temps du dépouillement, de l’endurance et de l’enfantement, de l’intériorisation progressive de la Croix du Christ en ma personne, pour renaître à nouveau avec Lui dans la nuit de Pâques, où tous les baptisés, re-nés à la vie renouvellent les promesses de leur baptême. Tous nos efforts de Carême ne doivent être ainsi discernés, vécus et relus qu’à cette seule aune, celle d’une plus grande union intérieure à l’existence filiale de Jésus qui s’offre pour le monde et son péché, non seulement pour moi et moi seul… « Plutôt s’user que de moi­sir, car on n’est pas scout pour soi tout seul, mais pour les autres. » affirme le P. Jacques Sevin dans Le Scoutisme. Et il n’y a que le Christ et Sa Passion qui puissent pleinement et authentiquement me livrer aux autres.

« Plutôt s’user que de moi­sir, car on n’est pas scout pour soi tout seul, mais pour les autres. »

            Et puisqu’à l’invitation du Pape nous avions commencé notre marche au désert par un effort de jeûne dédié à hâter la venue de la paix en Ukraine, ne ménageons pas notre effort et notre créativité d’offrande pour que dans nos privations bien d’autres désordres d’ici-bas puissent encore être cloués avec nous sur le bois de la Croix. Cette charité qui laisse le Christ s’offrir en nous pourra couvrir une multitude de péchés (cf. 1 P 4, 8).

 

 
Par le Père Jean-Baptiste Perche
Vicaire à Saint Cloud et Père à la Maison St Jean-Baptiste à Versailles, ancien Conseiller Religieux
 

 




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