News
L’été est-il reposant ? - Le Mot du Padre par le Père Erwan de Kermenguy
« Venez à l’écart, dans un endroit désert et reposez-vous un peu », dit Jésus à ses apôtres dans l’évangile de ce dimanche. C’est donc de repos, que je voudrais vous parler pendant ces vacances. « Jéhovah, le dieu barbu et rébarbatif, donna à ses adorateurs le suprême exemple de la paresse idéale ; après six jours de travail, il se reposa pour l'éternité » écrivait Paul Larfargue, journaliste français et gendre de Karl Marx, dans Le Droit à la Paresse en 1883. Mais le repos chrétien n’est pas une paresse éternelle : c’est un repos en vue de la mission. On le voit nettement dans ce passage de l’évangile de St Marc (Mc 6, 30-34) : les disciples montent dans la barque pour aller se reposer dans un endroit désert, mais avant même leur arrivée une foule les y attend déjà et en fait de repos, le Christ va enseigner longuement.
Repos éternel ou camp scout ?
« C’est reposant l’éternité : ça commence allongé » dit-on parfois… mais rien ne ressemble moins à l’idée chrétienne de l’éternité qu’un dormeur éternel, qui attendrait que les siècles s’usent les uns aux autres et que l’univers se referme pour lui-même dans les brumes évanescentes du couloir du temps ! Non. Danses, chants, rires, voilà l’éternité chrétienne. Nous ne sommes pas condamnés à être des statues de plâtres figées dans une posture hiératique que couvre la poussière de nos églises. Nous sommes appelés à un grand-jeu éternel et une veillée qui n’aura pas de fin. La preuve ? La Bible nous donne comme images du Royaume des festins qui ressemblent davantage aux concours cuisines de nos camps qu’à un immense dortoir éternel.
« Nous sommes appelés à un grand-jeu éternel et une veillée qui n’aura pas de fin. »
Les parents (et les profs) disent souvent au moins de juin : « les enfants ont besoin de vacances ! »… mais n’entendez pas par là qu’ils ont besoin de dormir (je reconnais volontiers qu’ils ont aussi besoin de dormir : les adolescents sont spécialistes en la matière, et les adultes ne dédaignent pas non plus une sieste au calme de l’été). Ils ont surtout besoin de courir les bois, d’escalader les montagnes, de plonger dans la cascade… nous savons bien qu’un camp scout est tout sauf « reposant » ! Mais il est ressourçant, parce qu’il est plein de vie. (Là encore, je sais que le moment plus important du camp est la sieste et qu’il est doux d’être dans son hamac sous les arbres !)
Les pères de l’Eglise utilisent volontiers le mot « périchorèse » pour désigner la Trinité. Cela ne vous dit rien ? C’est une danse grecque, un peu comme le cercle circassien dans les danses bretonnes. Le repos éternel en Dieu est une danse pleine de vie !
Venez à l’écart, nous dit Jésus
L’invitation que Jésus fait à ses apôtres vaut aussi pour nous. Ils rentrent de mission et Jésus les invite à se mettre à l’écart. Pour chacun de nous, ces semaines d’été sont un temps « autre ». Que nous soyons en vacances ou non, nos rythmes de vie sont différents, le monde autour de nous vit à un autre rythme. Alors profitons en pour nous mettre à l’écart, comme Jésus nous y invite…
Que faire en vacances ? Savourer le monde. Je suis marqué par la manière de faire de Jésus. Il embarque les apôtres sur un bateau. J’ai eu la joie de passer une journée en mer avec les scouts dont je suis l’aumônier, à l’occasion de fêtes maritimes de Brest. On change d’univers, on regarde les vagues, les nuages, le soleil (la pluie aussi), on admire le vol des oiseaux, on chante. Dieu a créé le monde par amour pour nous… et trop souvent nous ne regardons pas ce monde que Dieu nous offre.
Repos en vue de la mission
Avant que les disciples n’arrivent à terre, la foule est déjà là, qui les précède, les attend, les espère. Et Jésus est saisi de compassion envers cette foule, comme il était plein de compassion envers ses apôtres fatigués, et il va les enseigner longuement. Le repos chrétien n’est donc pas un repos égoïse, coupé sur soi, mais un repos tourné vers les autres. Non seulement il s’agit d’un repos vécu avec d’autres, dans la barque, mais il s’agit d’un repos où je continue à prendre soin des autres… que l’on soit parent, curé ou chef scout, on sait bien que même en vacances les autres continuent de compter sur nous. Comme Jésus qui enseigne longuement, profitons de ce temps pour transmettre, de façon informelle, en racontant une histoire, en faisant visiter une église ou un vieux monument. Nous ne mesurons pas le poids des paroles apparemment anodines que nous pouvons dire pendant les vacances et qui vont marquer durablement ceux qui les écoutent.
« Le repos chrétien n’est donc pas un repos égoïse, coupé sur soi, mais un repos tourné vers les autres. »
Mais plus profondément, il s’agit que notre repos de l’été soit au service de la mission en vue de la rentrée… car l’été se terminera. Il n’est pas si facile de savoir se reposer. Celui qui veut maximiser ses vacances, faire le plus de choses possibles dans un temps limité risque de rentrer épuisé de vacances et de n’avoir rien véritablement vécu. Dans notre civilisation du toujours plus, prenons garde à ne pas chercher à voir le maximum d’amis, à visiter le maximum de sites de vacances… reposons-nous vraiment !
Anticipons la rentrée. Quels engagements vais-je prendre l’an prochain ? Vais-je continuer comme l’an passé, avec les trucs en plus qui vont inévitablement s’ajouter ? Comment discerner ce qui est à poursuivre et ce qu’il faut arrêter ? Quelques rappels élémentaires pour discerner où est-ce que Dieu m’attend.
Quel est mon devoir d’état ? Je peux avoir des engagements très généreux… mais est-ce qu’ils me conduisent à négliger mon devoir d’état ?
Quels charismes ai-je reçu ? Peut-être que les conversations de l’été peuvent être l’occasion de découvrir les trésors que Dieu a déposé en moi et de voir comment les mettre au service des autres. Visitant un camp de guides, j’ai eu la joie de participer à cet exercice à table en patrouille, les guides ont cherché 3 qualités pour chacune d’elles.
Comment je mets d’autres en route ? J’ai fait de belles choses l’an passé et j’en ai été heureux… comment permettre à d’autres de vivre cela à leur tour, en leur transmettant ces responsabilités ? Sinon je risque de me rendre indispensable… et d’empêcher les autres de donner le meilleur d’eux-mêmes.
Où ai-je eu de la joie ?
Chers amis, reposons-nous, reposons nous vraiment, d’un repos qui n’est pas paresse mais joie, en vue de la mission à laquelle Dieu nous appelle.
Aucun commentaire
Vous devez être connecté pour laisser un commentaire. Connectez-vous.