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L'école du regard - Le Mot du Padre par le Père Erwan de Kermenguy

Choisir un coin de pat au milieu de la forêt, lire son itinéraire sur une carte, repérer un message dissimulé sous un rocher, c’est autant d’occasions où le scoutisme nous a appris à voir. Nous avons dû voir que là, entre tel arbre et tel arbre, il était possible de faire une tente surélevée. Nous avons appris à voir que tel morceau de bois serait propice à faire cette tente. En explo, nous avons appris à voir tel détail insolite. Plus encore, comme CP puis en maîtrise, nous avons appris à voir dans ceux qui nous étaient confiés l’adulte qu’ils n’étaient pas encore, les qualités qui n’étaient pas encore développées. Le scoutisme est, à bien des égards, une école du regard.

« Voici que je vois les cieux ouverts », dit St Etienne lors de son procès. Il a devant lui un parterre d’accusateurs déchaînés. La foule veut sa mort, mais lui voit au-delà de la haine. Il voit Jésus assis à la droite du Père.

Et nous, nous voilà entre les deux. Nous sommes entre le petit scout qui apprend à lire une carte, qui apprend à voir dans la carte le paysage qui s’étale devant lui… et Etienne qui est capable de voir au-delà du monde. Dans nos vies bien chargées (la mienne comme les vôtres, avec nos occupations que nous pensons prioritaires) nous avons bien du mal à nous poser pour voir le monde. Rien n’est pourtant plus nécessaire. Nous avons besoin de voir notre vie à la lumière de Dieu.

A vue humaine, la vie d’Etienne est un échec (comme celle de Pauline Jarricot qui fut béatifiée récemment). Pourtant le regard chrétien voit dans sa mort sa configuration au Christ. Jugé comme lui, exécuté comme lui hors de la ville, il pardonne comme lui à ses bourreaux et remet à Dieu son Esprit, comme le Christ en croix. Et l’auteur des Actes des apôtres, sait que c’est dans cet échec apparent que s’enracine l’immense fécondité du ministère de St Paul.

Il est donc vital pour nous de nous poser, régulièrement et de faire le point sur notre vie. C’est le sens du moment lumière des guides-aînées : un temps qui éclaire notre vie (oui, messieurs, je sais, c’est aussi le sens de l’heure route… mais c’était pour le mot « lumière »). A quand remonte ta dernière retraite ? C’était quand la dernière fois que tu as pris 3 jours, seul pour le Bon Dieu ? Si c’était il y a plus d’un an, sors ton agenda et fixe une date de retraite.

« Voici que je vois les cieux ouverts et le Fils de l’Homme debout à la droite de Dieu »

« Voici que je vois les cieux ouverts et le Fils de l’Homme debout à la droite de Dieu ». C’est en regardant Jésus, qu’Etienne trouve la force de son témoignage. Celui qui voit Jésus n’a plus peur du monde. Le monde peut lui prendre son honneur et son argent (comme la bienheureuse Pauline Jariccot justement), le monde peut lui prendre la vie, celui qui contemple Jésus présent dans sa vie, est déjà comblé. Nous avons-nous aussi à rendre témoignage, dans un contexte pas simple. Il est fréquent que nous soyons interrogés et moqués sur notre foi. Nous ne pourrons témoigner si nous ne fixons pas notre regard sur Jésus.

La sainteté, c’est une école de regard.

Je me souviens d’un relais optique, de nuit, sur les collines du fond de la rade de Brest. Nous avions remonté la rivière en bateau, puis marché longuement (pour mes courtes pattes de jeune novice) avant de nous fixer au sommet d’une colline. Et là dans la nuit, une lumière s’est allumée sur le sommet voisin. Et nous étions à scruter cette lumière pour en comprendre le message (l’honnêteté m’oblige à vous dire que beaucoup dans l’équipage ne maîtrisaient pas le morse et que ce fut un peu une catastrophe). Je retiens de cette expérience que c’est au cœur de la nuit qu’on voit le mieux la lumière. C’est au cœur de son procès, dans le déferlement de la haine et du mal, qu’Etienne a contemplé Dieu. C’est peut-être au soir d’une journée de m… qu’on peut découvrir que Dieu était là présent. C’est le sens même de la confession : découvrir que même mon péché n’est pas étranger à Dieu. Dieu est là dans ta vie, dans ce collègue insupportable, dans tes enfants qui t’épuisent en fin de journée, dans cette galère qui est la tienne. Dieu est là, comme une lumière au cœur de la nuit, qu’il faut apprendre à voir. La sainteté, c’est une école de regard.

Père Erwan de Kermenguy
Curé de Landerneau et CR de l’Equipe Nationale Louvetisme
 



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