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Récite ton chapelet - Le Mot du Padre par l'Abbé Tristan de Chomereau

Un paysan interpella Saint François de Sales : « Monseigneur, quand je prie le chapelet, je ne me distrais pas ». « Vraiment ? » répondit le saint évêque. « Mon ami, si vous récitez un Pater sans vous distraire, je vous donnerai mon cheval. ». Ravi, le paysan retira son chapeau, s’agenouilla, joignit les mains et commença : « Notre Père qui êtes aux cieux… ». Mais il s’arrêta pour demander : « La selle avec le cheval ? ». L’évêque sourit : « Ni selle, ni cheval ».

L’Église recommande le chapelet ; Jean-Paul II confiait même que c’était sa prière préférée. Scouts et Guides portent souvent un dizainier à leur ceinturon ou sur la bague du foulard. Mais voilà, mille pensées nous distraient facilement pendant sa récitation. Alors cela vaut-il la peine ? Oui, parce que si nous nous distrayons, Notre Dame écoute le beau compliment de son enfant : « Vous êtes bénie entre toutes les femmes » ; sa demande instante aussi : « Priez pour nous, maintenant… ». Autrefois, le Napolitain amoureux donnait la sérénade à l’élue de son cœur. S’appliquant à bien chanter et jouer de sa mandoline, il en oubliait sa belle ; mais celle-ci, sur son balcon, était toute émue. Marie nous est toute attentive, sans se lasser de nos Ave Maria.

Donc nous prions d’abord pour plaire à la Sainte Vierge. Puis cela fait du bien à notre cœur, et notre Mère du ciel exauce notre prière d’une manière ou d’une autre. Face à une nécessité personnelle, ou de l’Église ou du monde, nous sommes désappointés : que faire ? Agir, certes, mais sortons aussi notre chapelet.

C’est aussi une prière familiale. D’ailleurs, l’Église concède une indulgence plénière à sa récitation en famille. En vacances, on peut le réciter en voiture avec les enfants — pour le moins un dizainier — ou lors de la prière du soir. Les enfants prennent vite goût au chapelet.

Récitons-le sans honte. En 1847, à Saint-Cyr, un élève trouva un chapelet et s’exclama : « Qui récite encore son chapelet ? ». On ricana. Un élève, sans le moindre embarras, dit d’un ton ferme : « Ce chapelet est à moi, veuillez me le rendre ; ma mère me l’a donné. Je lui ai promis de le dire tous les jours de ma vie. » Un vieux maréchal d’Empire, qui faisait passer des examens, quoiqu’agnostique, s’approcha du jeune homme : « Je vous félicite de ce que, relativement à votre chapelet, vous avez montré autant de noble courage que vous avez montré de talent dans vos réponses à l’examen. Soyez toujours aussi courageux dans tous vos devoirs, et les honnêtes gens seront forcé de vous accorder leur estime. ».

« Récite ton chapelet, dit Dieu… » Charles Péguy

Écoutons Charles Péguy : « […] Ce que j'aime dans le chapelet, dit Dieu, c'est qu'il est simple et qu'il est humble. Comme fut mon Fils. Comme fut sa Mère. Récite ton chapelet, tu trouveras à tes côtés toute la compagnie rassemblée de l'Évangile : la pauvre veuve qui n'a pas fait d'études et le publicain repentant qui ne sait plus son catéchisme, la pécheresse effrayée qu'on voudrait accabler, et tous les éclopés que leur foi a sauvés […]. Il faut que votre prière tourne et retourne, comme font entre vos mains les grains du chapelet. […] Allons, dit Dieu, récitez votre chapelet et gardez l'esprit en paix ».

 

 
Abbé Tristan de Chomereau
CR de la 1e et de la 4e Courbevoie
Vicaire de la paroisse Saint Maurice de Courbevoie
 



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