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Parents d'ados, une traversée
S’il existait un mode d’emploi pour l’adolescence ça se saurait… Ce n’est malheureusement pas possible car chaque relation, chaque ado est différent, unique. L’adolescence est une période de grand chamboulement tant au niveau physique, psychologique, qu’affectif et cognitif. C’est quitter le monde de l’enfance pour un monde nouveau, où le jeune fait “peau neuve”. Ces remaniements, ces bouleversements leur prennent beaucoup d’énergie. Les parents sont invités à accompagner cette traversée parfois angoissante car le jeune sait qu’il doit (et qu’il veut) larguer les amarres (= parents) et en même temps il aimerait rester petit.
Pour vivre plus sereinement cette période, il est intéressant de se pencher sur l’adolescent que j’ai été… Des tensions peuvent s’installer avec les adolescents par rapport à ce qu’ils vivent, mais aussi par ce que j’ai moi-même vécu. Comment s’est passée ma propre adolescence ? Comment me suis-je senti dans ma peau d’adolescent ? Notre enfant va peut-être vivre cette période tout à fait différemment, il est bon de passer au tamis les peurs et les blessures de cette période pour ne pas les projeter.
Durant cette période d’ambivalence, de nouveaux besoins pour l’adolescent apparaissent. L’adolescent va rechercher un nouveau groupe d’appartenance que celui de sa famille d’où l’importance de l’amitié, mais aussi du scoutisme. Ce groupe, quel qu'il soit, a une fonction contenante qui rassure le jeune. Un point de vigilance en tant que parent est de s’assurer que ce groupe n’est pas maltraitant (harcèlement…). Le jeune va chercher à être conforme à ce groupe. On voit bien dans les unités scoutes l’importance des valeurs, des codes partagés. Cette conformité est en tiraillement avec sa quête identitaire qui s’intensifie à l’adolescence. Autant l’adolescent a besoin de se sentir dans le groupe autant il a besoin de s’affirmer, de se démarquer, de se différencier. C’est la quête du « qui suis-je ? ». Un grand ado me disait « C’est amusant de voir qu’en 5ème j’avais l’impression d’avoir des opinions mais je réalise que c’était celles de mes parents et maintenant j’ai réussi à penser par moi-même. ». Certains vont tenter cette différenciation par une tenue vestimentaire, un look ou un comportement. Cela peut également donner des situations parfois difficiles à gérer pendant les activités scoutes (fantaisie dans l’uniforme, comportement de provocation...). Ce mouvement est une tentative de sortir du cocon familial, parfois fusionnel, pour revendiquer son droit d’exister. Cela va passer par la construction de son propre territoire, que l’adolescent va protéger, d’où sa demande du respect de son intimité. Lire son courrier ou entrer dans sa chambre sans autorisation peut être très violent pour lui. Un point de vigilance est le respect de son intimité, de son territoire.
Pour accompagner cette traversée vers l’autonomie et le monde adulte, l’adolescent a besoin de se sentir aimé de manière inconditionnelle par ses parents, de sentir la sécurité de ce lien et de se sentir accepté tel qu’il est. Cet amour inconditionnel est le socle qui lui permettra de prendre son envol. Il est tellement réconfortant et structurant pour ce jeune qui vit tant de transformations, de mouvances. Le temps passé ensemble, surtout lorsqu’il en fait la demande, est primordial. Il peut être le lieu de la reconnaissance et de la valorisation. Tout cela vient remplir son réservoir émotionnel et affectif et le rendre plus fort en cette période. Elles participent à la construction de l’estime de soi dès le plus jeune âge. Que ce soit dans nos familles ou dans le scoutisme, la parole valorisante prend une tout autre dimension d’autant plus qu’elle est un véritable langage d’amour pour certains. Pour d’autres, ce sera les moments de qualité, les services rendus, les présents ou le toucher/la tendresse[1]. Dans le cadre de la progression scoute tout comme à la maison, il est important de l’avoir en tête afin de cultiver la pédagogie de l’effort et non du résultat. C’est ainsi que, dans le scoutisme, chacun a son axe de progression souvent personnalisé en CDH. Si la critique positive est nécessaire, elle est toujours orientée vers l’acte et non la personne même de l’adolescent.
Voir l'article du même auteur "Comment passer du reproche à la critique positive ?"
Le scoutisme est par ailleurs un lieu propice au besoin de l’adolescent d’inscrire son corps dans des expériences. Ce qui est vécu lors des grands jeux vient tout à fait répondre à ce besoin de se connaître et parfois de se dépasser tout en restant dans un cadre sécurisant assuré par les chefs ! Cette recherche de limites, pas seulement physiques, qui peut souvent irriter les parents, est pourtant très importante. Elle permet de se confronter à un cadre apaisant qui sert de tuteur au jeune adolescent pour grandir. Quand il est inexistant, l’adolescent est seul avec ses angoisses. Quand il est trop rigide, l’envie de transgression sera renforcée. C’est souvent un lieu d’épuisement pour les parents où se joue un tiraillement entre laxisme et autoritarisme. La recherche du juste comportement est délicate, ce n’est ni l’un ni l’autre, c’est poser une juste autorité dans un cadre souple mais ferme. Ce dernier peut être construit avec le jeune en l’invitant à être responsable et respectueux de ce cadre. La question de la sanction se pose lorsque le cadre n’est pas respecté : à chacun de trouver la juste sanction qui permettra une réparation.
Responsabiliser petit à petit chacun, progressivement, est la base de la pédagogie “éclaireur” et répond à la recherche d’autonomie de l’adolescent. La confiance accordée au CP ou aux jeunes via le poste d’action en est un parfait exemple. C’est leur donner de vraies responsabilités, avec un enjeu à la clé. Cette autonomie progressive aide l’adolescent à se construire, à poser des choix, à assumer ses décisions, à devenir responsable...
Durant cette période peut venir se loger une colère, celle ne pas être compris ou de ne pas y arriver. Cette colère est à accueillir, parfois même à accompagner. Il m’arrive d’entendre en entretien : « Mon adolescent me manque de respect. ». Parfois la colère est tellement explosive qu’elle « dépasse les bornes ». On peut mettre des règles sur la façon d’exprimer la colère à la maison, ou ailleurs, en expliquant par exemple que le passage à l’acte (casser un objet, taper) n’est pas autorisé. Cependant, cette colère doit pouvoir être exprimée, entendue et demande à ne pas être « cachée sous le tapis ». C’est sur la modalité de l’expression de cette colère que l’adulte peut intervenir et inviter le jeune à en faire quelque chose. Cette émotion n’est ni bonne, ni mauvaise, mais chacun porte la responsabilité de ce qu’il en fait.
Pour bien quitter le nid familial, l’adolescent a besoin de sentir la solidité des liens familiaux. Qui dit quitter dit installer de la distance notamment grâce à des sorties, des goûts musicaux différents mais aussi des conflits, de la provocation... L’adolescent peut inconsciemment se dire « Peut-être que si je suis moins aimable ce sera plus facile de partir... ». Adolescence pourrait rimer avec ambivalence... Mais rassurez-vous « se séparer » n’est pas « rompre » !
[1] Les langages de l’amour de Gary Chapman
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