[Parole d'Homme] La relation père-fille

J’ai plutôt l’habitude de parler de la relation père et fils car elle constitue l’épine dorsale de la transmission sociale : l’homme représente la première figure d’altérité pour l’enfant, fils ou fille, et porte la grande mission de le préparer à l’âge adulte et l’envoyer dans le monde extérieur. Quand le fils deviendra père à son tour, il aura lui-même à réaliser cette mission avec ses propres enfants. On dit en effet que le père donne la vie psychique à l’enfant, que celui-ci soit fils ou fille.

La relation père-fille est tout aussi importante, et j’y vois deux périodes : l’enfance et l’âge adulte.

L’enfance

Je peux témoigner que les papas sont comblés par les câlins de leurs petites filles. Elles sont si douces, si joyeuses, si mignonnes ; elles réclament de l’attention avec toute leur féminité naissante, elles se trémoussent en robe rose bonbon avec des paillettes et du rouge à lèvres piqués dans la trousse de maquillage de maman. Personnellement, je craque totalement d’amour devant mes filles. Je suis convaincu que de nombreux pères partagent cette relation toute particulière qui soulève le cœur d’un amour innocent.

Toutes les petites filles ont besoin du regard émerveillé de leur papa pour se construire comme femme et tester innocemment leur puissance de séduction avec la première figure d’altérité masculine qu’elles connaissent et avec qui elles se sentent en sécurité : vous. Elles observent souvent leur maman et reproduisent des gestes mimétiques avec leur papa. Les miennes ont toutes voulues se marier avec moi, repoussant leur maman de leurs petits bras. Ma mission, à ce moment précis, c’est de les regarder, les encourager, les confirmer dans leur beauté, tout en leur disant que mon cœur est déjà pris et qu’elle-même trouvera un autre homme qui l’aimera comme une femme quand elle sera plus grande.

Comme père, je dois impérativement accuser réception de leur puissance d’attirance, même si je suis pressé. Si je suis horripilé par ces manies puériles, ce n’est pas le sujet : comme père, je suis donné à mes enfants pour accomplir ma mission paternelle. Il y a des occasions à ne pas rater, celles-ci en font partie. Tant que votre fille reproduit la scène de la robe de princesse réclamant votre attention, c’est que son petit cœur en a besoin pour se construire et se fortifier. Votre job, c’est de tout lâcher le temps d’une seconde, de la regarder dans les yeux, de lui dire combien elle vous fait craquer, combien sa robe lui va si bien.

Un geste de colère, d’impatience, d’ignorance, de mépris sera perçu comme un rejet : « Je suis nulle, je ne vaux pas le coup, je ne suis pas aimable. » se dira-t-elle dans le secret de son cœur brisé. Un seul coup de hache peut tuer une jeune pousse.

Bien sûr, votre fille aura mille autres qualités que la beauté. L’attention que vous lui devez concerne chacune de ses qualités. Une de mes filles est très douée dans la compétition d’athlétisme. Tant qu’elle vient à moi en me montrant ses coupes, c’est qu’elle a besoin de remplir son réservoir. C’est ça, le job du père : donner confiance en soi pour préparer l’enfant à mener une vie d’adulte sans crainte de son ombre, sans honte de ses fragilités, en assumant fièrement ses qualités. 

L’âge adulte

Pour une jeune femme, l’âge adulte arrive avec les règles. Pour moi, ça se complique. La relation enfantine, spontanée, se transforme en une relation d’un père avec une jeune femme, plus inconfortable, moins naturelle.

Personnellement, quand mon aînée est devenue femme, je ne savais pas quoi dire, ni quoi faire pour ne pas bredouiller un truc débile. Heureusement que ma femme m’a aidé – elle avait préparé ce que je devais dire et je n’ai eu qu’à répéter en dépassant ma gêne.

C’est le moment parfait pour célébrer officiellement cette bonne nouvelle : il y a une nouvelle femme dans la maison, et c’est une très belle nouvelle ! Le père doit absolument marquer le coup et être le meneur de cette fête familiale. Pourquoi ne pas ouvrir une bouteille de champagne ? Notre parole paternelle est puissante et va renforcer l’assurance de notre fille qui vit un bouleversement intérieur important. Et même si elle s’y est préparée avec maman lors d’un parcours Cyclo Show. La jeune femme a besoin de la parole et du regard de son père. Il va maintenant porter son regard sur une femme. Un homme ne se tient pas tout à fait pareil avec un enfant qu’avec une jeune femme. En tout cas c’est mon cas.

Saut du nid

Dans une lettre précédente, je parlais du rite de passage pour les garçons. Les filles ont aussi des choses à vivre. Quand ma fille ainée se préparait à quitter la maison pour ses études j’ai réalisé cette opération, invitant ma fille au restaurant, ce peut être à l’occasion d’une balade (au moins on ne se regarde pas...). D’abord, le père doit réaliser la séparation psychique de la jeune fille d’avec la maman, lui permettant d’entrer avec celle-ci dans une relation libre et adulte, sans relation toxique, sans emprise ou manipulation de la part de la maman qui ne veut pas que son enfant, le fruit de ses entrailles, ne la quitte. Ensuite, le père doit confirmer, bénir et envoyer sa fille, nous avons créer un rituel en 5 étapes, c’est facile à retenir : 1/ j’ai confiance en toi et dans les choix que tu vas poser 2/ je suis fier de toi car 3/ voici tes qualités, tes dons, tes forces, tes compétences, ce que j’admire chez toi… 4/ si tu chutes, je serai là : tu peux me faire confiance et 5/ je te bénis, tu es équipée (de toutes tes qualités) pour vivre l’aventure de ta vie, vas !

Mon ainée a maintenant 22 ans et va se fiancer avec un jeune homme formidable.