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Pâques, nos vies réorientées
Les contraintes sanitaires actuelles vont conduire un grand nombre d’entre nous à célébrer la Vigile Pascale non pas à la tombée du jour le Samedi Saint au soir mais à l’aube du dimanche de la Résurrection. Cette pratique est courante dans les monastères cisterciens. Habitués à se lever vers trois heures du matin pour chanter l’office de nuit, les moines n’y modifient pas leurs horaires pour Pâques : ils se contentent, au sens le plus fort de ce terme, de transformer le déroulement de l’office pour célébrer la « mère de toutes le Vigiles », la mère de toutes les nuits et de toutes les aurores.
Dans l’antiquité chrétienne, la Vigile Pascale durait souvent toute la nuit. Après la liturgie du Feu nouveau, une fois la nuit du Samedi Saint tombée, et la longue veillée biblique, baptêmes et confirmations étaient célébrées par dizaines. La nuit durant et se rafraichissant, on distribuait aux néophytes et aux fidèles, pour qu’ils puissent tenir la distance, des amandes plongées dans du sirop de sucre : c’est l’origine de nos dragées. S’ensuivait la liturgie eucharistique dont le point culminant, la consécration et la communion, coïncidait avec le lever du soleil : le Christ ressuscité est, comme le chantent prêtres et religieux tous les matins dans le cantique de Zacharie, le véritable « Astre d’en-haut qui vient nous visiter, pour illuminer ceux qui habitent les ténèbres et l’ombre de la mort, pour conduire nos pas au chemin de la paix ».
Cette spiritualité du lever du soleil, que la vie scoute permet parfois d’alimenter, explique le fait que les églises soient habituellement tournées vers l’Est. Les chrétiens ne sont pas des adorateurs du soleil levant ! Voilà pourquoi il faut toujours se garder de durcir ce qui demeure de l’ordre du symbole, aussi suggestif et justifié soit-il. Mais l’Eglise reconnaît dans le Levant, un signe magnifique de la Lumière qui vient, de l’Incarnation, de la Résurrection et de l’Avènement attendu du Christ dans sa gloire à la fin des temps. Les premières communautés chrétiennes vivaient d’ailleurs la Vigile Pascale dans un intense climat d’attente eschatologique que nous pourrions gagner à retrouver.
On entend parfois l’expression « orienté vers l’Est » qui constitue un horrible pléonasme : s’orienter, c’est par définition se tourner vers l’Orient, vers l’Est. Ce qui veut dire aussi que s’orienter au sens courant du terme, c’est toujours, d’une manière ou d’une autre, se tourner vers le Christ ressuscité, la Lumière véritable, qui renouvelle et transforme toute chose. La célébration de Pâques nous est donnée pour réorienter nos vies souvent désaxées par l’excès d’activités ou de sollicitations parfois superficielles. Pour vivre en vérité, nous avons besoin de savoir où nous allons : nous marchons vers le triomphe définitif, dans le Christ, de la vérité et de l’amour auquel nous sommes appelés à coopérer par une vie de foi, d’espérance et de service.
Que la célébration pascale, avec la stimulation paradoxalement bienfaisante des contraintes sanitaires actuelles, nous conduise à interroger la boussole spirituelle de nos cœurs pour que tout ce qui en a besoin dans nos vies se laisse réorienter, réaimanter par le Christ.
+ Matthieu Rougé
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