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Êtes-vous des gens de Pâques ? - Le Mot du Padre du Père Jean-Baptiste Perche
Avec tout notre corps, nous avons pu célébrer cette année la joie d’être sauvés. Et si nous avons tant désiré ces instants communautaires, c’est parce que la prière chrétienne, dans sa structure, appelle l’engagement entier du corps. Comment en effet entrer avec le Christ dans le grand mouvement de sa Passion, sans voir un frère ou une soeur se faire laver les pieds, sans s’incliner profondément devant la croix portée par d’autres, sans veiller à genoux la présence eucharistique du maître, sans finalement se lever de nuit pour franchir avec lui l’abîme du sommeil de la mort et sentir poindre sur le visage de ses élus les premières lueurs de Sa victoire sur le mal et le péché ? La liturgie nous permet de faire l’expérience de Jésus depuis le Mont des Oliviers jusqu’en Sa gloire dans la mesure où elle appelle l’engagement de toute notre personne. Nous croyons parce qu’avec le Fils, nous sommes ainsi passés de la mort à la vie, Lui, qui a voulu prendre un corps semblable au nôtre afin de rendre nos corps semblables à Son corps glorieux (cf. Ph 3, 21).
Il faut nous le dire, ces trois jours qui nous ont amené à Pâques et que nous n’allons cesser de relire durant cinquante autres, nous auront forcément changé. Comme les disciples en marche vers Emmaüs, il nous faudra peut-être un peu de temps pour bien nous laisser saisir par la profondeur des événements, leur sens et leur portée pour notre existence future. Depuis le tombeau vide, Jésus règne désormais en roi victorieux et nous avons ainsi la certitude que, baptisés, nous pouvons avancer avec pleine assurance vers le Salut (cf. He 4, 16), cependant c’est bien dans notre quotidien que cette certitude s’ancre naturellement, c’est-à-dire dans notre corps, sujet du temps et de l’espace et encore marqué pour une part par les conséquences du péché de l’ancien Adam. Toute la liturgie de l’Eglise honore bien cette dimension corporelle de la foi montrée à la fois comme un chemin et un lieu de renaissance.
Et comment donc savoir si nous changeons de la bonne manière, de celle du Christ qui plaît à Dieu en son abaissement ? Comment savoir si notre vie concrète parvient bien à exprimer ce passage de la mort à la vie ; en d’autres termes, si nous sommes bien des « gens de Pâques » ? Peut-être faudrait-il chercher du côté de cette vertu qui rend capable de regarder un événement nouveau sans ombre ni trouble au visage (Ps 33, 6), une capacité de mouvement d’amour qui donne d’aimer aller là où personne encore n’est jamais aller et de s’y complaire personnellement comme dans le service et le soin d’autrui et de soi-même. Il s’agirait de se laisser relier à cette force dont la foi nous rend corporellement contemporains dans la liturgie et la prière, qui permet d’aimer la ténèbre non pour elle-même, parce qu’elle serait alors désespérante, mais parce qu’elle est depuis une certaine date de l’Histoire du monde vouée à disparaitre dans la lumière de l’amour. Une âme qui renait à la vie du Christ aime ainsi la possibilité de changement que permet tout progrès humain et social. Par la prière, elle sait se laisser psychologiquement relier à la peine des autres dans l’Esprit-Saint. Elle sait aussi comment entendre de Lui ce qu’il faut faire pour contribuer de manière bienfaisante à l’embellissement de l’Eglise, à sa croissance spirituelle ordonnée.
Cette vertu, qui provient de l’événement pascal, nous pourrions bien sûr l’appeler « charité » et nous pourrions aussi entendre dans la devise scoute, « Semper Parati » (« Toujours prêts ») la façon propre aux scouts de la vivre. Baden-Powell écrivait ainsi dans Éclaireurs, 4ème bivouac « Prêts, pour ce qui est du corps, parce que vous vous serez rendus forts, actifs, capables de faire au bon moment l’action qu’il faut faire et que vous la ferez ». Le voilà donc l’élan de Pâques : un amour de la disposition au don de soi qui fait grandir les autres dans l’amour, une connivence amoureuse avec toute forme d’initiative à même de faire éprouver en vérité le regard de Dieu sur soi-même, et in fine, une méthode intérieure de construction du corps social et ecclésial par une action qui libère et provoque l’espérance. Mais ces principes n’auront un réel fondement que si nous acceptons la primauté de la grâce dans nos vies, c’est-à-dire si nous acceptons d’être d’abord des hommes et des femmes de prière, livrés à la présence réelle et corporelle du ressuscité, aux bouleversements intérieurs qu’il provoque par son Esprit puis aux opportunités de don que mystérieusement il engendre en notre chair.
Nous avons maintenant cinquante jours pour nous former à devenir des gens de Pâques ! Bonne fête de la Résurrection à tous !
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