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De la vision d'Habacuc à la construction d'un coin de pat' - Le Mot du Padre par le Père Erwan de Kermenguy

Début de camp, choix d’un coin de patrouille. C’est une étonnante impression qui nous saisit, lorsqu’il faut choisir tel coin de bois, plutôt que tel autre… Et dans cet espace enchevêtré de troncs d’arbres et des broussailles, voir déjà une table, une tente surélevée, un coin vaisselle, des bancs, un coin prière. Tout est à la fois si clair dans l’imaginaire des scouts qui contemplent ce qui sera leur royaume pour 15 jours… et si confus dans ce taillis envahi de ronces.

Tu vas mettre par écrit une vision, clairement pour qu’on puisse la lire facilement, dit le Seigneur au prophète Habacuc. Le prophète vit dans une période troubler, dont Dieu semble absent « combien de temps Seigneur vais-je t’appeler sans que tu entendes » demande Habacuc à son Dieu. Et Dieu lui répond par cette vision, qu’il doit partager largement.

Il me semble que la situation est analogue, tant à ce que vit le CP qui arrive sur son futur coin de pat’ qu’à celle que vit notre Eglise aujourd’hui. Pour Habacuc, la terre où devait ruisseler le lait et le miel ressemble plus à un roncier ! La cité de Dieu semble être en ruine. Le peuple est divisé « devant moi, pillage et violence, dispute et discorde se déchaînent ». Dieu sans s’arrêter à cela, lui offre un avenir, comme le CP explique au jeune scout un peu dépassé par l’ampleur des événements (il faut dire qu’il a porté la tente en plus de son sac, qu’il a dû retourner à l’entrée du camp chercher une malle qui lui a scié les mains et tout ça pour arriver sur un talus glissant en face duquel le CP s’extasie tandis que lui se demande à quelle heure on va pouvoir manger) : tu vois, là on va défricher pour avoir une vue sur le champ et la vallée, là on va faire une plateforme pour avoir une terrasse au bout de la tente, là il y aura un portique avec notre blason de patrouille, là une allée, ici… Et tout en partageant sa vision, le CP redonne du cœur à ses patrouillards. Car au temps du prophète Habacuc comme aujourd’hui, l’absence de projet commun divise… et les divisions ne se surmontent pas en restant à les regarder, mais en avançant. Bien sûr, il faut parfois trancher un conflit entre tel ou tel patrouillard pour rétablir la justice… mais le plus souvent, il faut surtout leur donner envie d’avancer ensemble, les problèmes se règleront d’eux-mêmes.

Le problème, ce serait un CP qui n’a pas de vision… il ne sait pas où il veut aller. Ou alors, un CP qui garde sa vision pour lui tout seul… et qui s’épuise avec une patrouille qui se divise pendant ce temps là. Eh bien, il en va de même dans notre vie personnelle, familiale, professionnelle… et dans notre Eglise. 

Le problème, ce serait un CP qui n’a pas de vision… il ne sait pas où il veut aller. Ou alors, un CP qui garde sa vision pour lui tout seul… et qui s’épuise avec une patrouille qui se divise pendant ce temps là.

Eh bien, il en va de même dans notre vie personnelle, familiale, professionnelle… et dans notre Eglise. L’Eglise se trouve aujourd’hui dans un monde en friche, où tout est à construire. Nous n’en avons peut-être pas conscience, mais notre génération est appelée à reconstruire l’Eglise. Une tempête a frappé l’Eglise d’occident au XXème siècle, nous faisant passer d’une société chrétienne à une société païenne. C’est un fait. Mais dans cette société païenne, nous avons à reconstruire l’Eglise. Nous sommes comme des scouts qui ont quitté le confort de la maison (d’une maison construite par d’autres, où leurs seuls efforts consistaient à ranger leur chambre, mettre le couvert et tondre la pelouse) pour se trouver au milieu des bois, pionniers d’un monde à bâtir.

Devant ce chantier qui s’étend devant nous (et qui peut effectivement ressembler à un roncier), les chrétiens sont tentés de se diviser, comme à l’époque d’Habacuc… voire de tirer leur épingle du jeu (se comportant ainsi comme les pilleurs que dénoncent Habacuc, ou le petit scout qui torpille l’intendance pendant que les autres se disputent sur l’emplacement futur de la tente… parce qu’en attendant, lui, il a faim). Ne comptez pas sur moi pour vous détailler les disputes et violences des chrétiens entre eux… il suffit de vous connecter à internet ou d’écouter sur un parvis d’église en fin de messe pour être effarés. Tout cela vient d’une absence de vision. Or la vision, elle est donnée par Dieu à un prophète. Et c’est le rôle du chef, le CP, le curé, l’évêque de mettre cette vision par écrit, pour qu’elle soit « facile à lire » dit Dieu à Habacuc, facile à partager à d’autres.

Pour cela, il faut s’autoriser à ne pas faire ce qu’on a toujours fait. Il faut s’autoriser à rêver. Il faut imaginer qu’on puisse assembler les choses autrement.

Bien sûr, il y a des règles dont on ne peut pas s’affranchir. Les scouts qui sont trop rêveurs apprennent à leur dépends qu’une tente surélevée ça ne tient pas tout seul. Mais sans rêve, on n’avance pas.

Chers frères scouts, et si vous preniez le temps de rêver ce que pourrait être votre paroisse dans 10 ans ? Ensuite, vous mettez cette vision par écrit et vous invitez votre curé à prendre un café à la maison pour lui soumettre ce rêve… Mais ne vous étonnez pas ensuite s’il vous invite à mettre la main à la pâte ensuite. Pour faire une tente surélevée, il faut rêver… et il faut couper du bois.

Père Erwan de Kermenguy
Curé de Landerneau et CR de l’Equipe Nationale Louvetisme
 



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