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CV comme... Cerf-Volant !
22 décembre 2020
Vie professionnelle
La période de turbulence actuelle nous oblige à revisiter notre CV si nous voulons continuer à construire notre carrière. Que nous soyons en poste (même cadre dirigeant du privé ou fonctionnaire) ou en recherche active d'emploi, nous devons tous apprendre à capter la force des vents qui font une carrière.
L'exercice de rédaction du CV semble déjà dépassé par le portefolio de compétences, mais il a encore de beaux jours devant lui avant d'être détrôné, ne serait-ce que par la liberté qu'il donne à son propriétaire et la maniabilité qu'il donne au recruteur.
Comment rédiger son CV ? Faisons-le comme un cerf-volant.
Le cerf-volant doit être tendu, il doit être tenu en son point d'équilibre, il doit être d'une taille proportionnée à nos forces, il faut assez de ficelle pour qu'il s'envole le plus haut possible ; enfin il faut le lancer quand le vent souffle. Et dans le bon sens.
Le CV, c’est la même chose :
C'est une feuille de format A4 dans laquelle il doit y avoir de la tension aux quatre coins : il doit y avoir des résultats, de l'ambition, une progression, des connaissances techniques, de la mesure, de la collaboration, de l'adaptabilité, une formation solide, des activités extraprofessionnelles, une vie privée, etc.
Qu'on se le dise tout de suite : cette tension se retrouve aussi bien dans le CV d'un électromécanicien que chez un directeur marketing.
Mais un CV n'est pas un catalogue de compétences, un manuel d'emploi répertoriant les performances d'une photocopieuse hyper puissante ou d'un robot de cuisine ultra performant. Le CV est un portrait d'homme dans lequel il y a de la densité et du potentiel.
Un CV n'est pas un catalogue de compétences
Définissons plutôt quatre points cardinaux qui mettent en tension notre réflexion sur notre humanité dans un but professionnel :
- Force / Tempérance
- Justice / Prudence
Il s'agit des vertus cardinales que nous ont transmises la sagesse grecque et reprises par la sagesse chrétienne. A une époque rongée par un prurit d'innovation et de nouveautés, il est bon de trouver une vieille recette qui n'est pas innovante et dont les résultats sont connus. Par ailleurs, ces quatre vertus ont l'avantage d'englober toutes les autres de manière parfaite : elles contiennent la bienveillance, la générosité, l'empathie, la rigueur, la détermination, l'enthousiasme... Et posons-nous les questions : dans notre vie professionnelle, qu'est-ce qui fait notre force ? qu'est-ce qui fait notre tempérance ? notre prudence ? notre esprit de justice ? quels sont les exemples qui illustrent ces vertus ?
Inutile de dire que le CV devient l'occasion d'une introspection personnelle. Face à ces questions, la demi-heure que nous nous accordions pour faire le CV ne suffit plus. Pire : nous découvrons que nous sommes loin d'avoir les quatre vertus cardinales et notre CV n'est pas prêt à s’envoler. Pas de panique : une personnalité forte complètera une équipe où il y a un collaborateur prudent, un autre juste, un autre tempérant. Et nous travaillerons à devenir progressivement plus tempérant (vertu qui répond à la force) nous-mêmes.
Le CV doit avoir un point d'équilibre, à la croisée de nos expériences mises en tension par les vertus. C'est là qu'on attache la ficelle. C'est le projet professionnel. Le projet professionnel doit être relié au point d'équilibre qui est le nôtre : si nous avons une forte personnalité avec le goût de la justice, notre projet professionnel sera « d'intégrer une équipe tempérée et prudente pour lui apporter son esprit de décision » (force et justice). Si nous avons une personnalité prudente et tempérante, nous apporterons à l'entreprise « des compétences pour éviter les précipices de l'innovation et questionner les organisations ». Si nous avons les quatre vertus cardinales, notre projet sera d'apporter une capacité d'arbitrer des relations humaines, de manager une transition.
Le CV doit être proportionné au poste recherché et à l'expérience professionnelle dont on dispose. Il ne s'agit pas d'imiter les autres ni de se sous-estimer, de vouloir tout dire ou de ne pas savoir quoi choisir. Il y a d'ailleurs une difficulté particulière quand on se réoriente après vingt ans d'exercice dans une profession et une nouvelle formation toute fraîche : que mettre dans le CV quand on a été directeur marketing et qu'on décide de devenir ingénieur QHSE ou responsable administratif et financier ou encore responsable des ressources humaines ? Le CV n'est pas un roman autobiographique, il n'est pas un miroir dans lequel on se regarde complaisamment (à 40 ans, on commence à y voir des rides), il n'est pas un gadget pour se rassurer sur tout ce qu'on a fait. C'est un cerf-volant qui doit prendre les airs avec une taille adaptée à nos forces. Car nos forces seront sollicitées en entretien une fois que le CV se sera envolé vers les recruteurs. En entretien, nous aurons à laisser souffler les questions du recruteur dans la toile de notre CV et nous devrons avoir des bras pour tenir, expliquer, montrer que notre CV est solide, proportionné au vent. Si le fil casse, si la toile se déchire, peut-être avons-nous menti ou trop exagéré. Si le cerf-volant ne décolle pas, peut-être en avons-nous mis trop d'expériences (il devient alors illisible, il traduit un manque de synthèse).
Le CV n'est pas un roman autobiographique, il n'est pas un miroir dans lequel on se regarde complaisamment.
Il faut au CV assez de ficelle pour s'envoler. Autrement dit pour lancer un CV il faut un réseau qui donne de l'allonge. Si vous pensez vous en sortir en postant votre CV dans une interface professionnelle publique (LinkedIn et job boards), ce n'est pas suffisant. Ces interfaces ne sont pas des boîtes aux lettres et s'il y a quand même des facteurs (les cabinets de recrutement), vous avez une infime probabilité de correspondre à leurs missions du moment et donc qu'ils fassent la relève de votre CV. Mesurez l'allonge de votre réseau : si vous avez peu de personnes relais, soignez-les, demandez-leur des contacts en précisant que leur coopération est particulièrement précieuse. Si vous avez beaucoup de personnes relais dans votre réseau, mesurez le chemin que peut faire votre CV dans le réseau et comment le CV va atteindre sa cible. Si votre CV atteint sa cible avec une recommandation qui vient du haut de l'entreprise, vous avez gagné. Mais souvent, c'est par les échelons intermédiaires que vous atteindrez votre cible : le recruteur est dans une altérité avec les échelons intermédiaires de l'entreprise et ne leur doit rien. Tandis qu'un CV recommandé par le haut met la pression sur le recruteur et le met dans une position inconfortable. Bref, mieux vaut parfois la secrétaire, le responsable achat ou l'ingénieur QHSE que le directeur général ou le directeur commercial. A côté du réseau personnel qui est plus ou moins dense il y a les réseaux d'associations auxquelles nous appartenons : anciens élèves, bénévoles, donateurs, abonnés à des journaux, clubs professionnels. Il faut s'appuyer en particulier sur le réseau des anciens Scouts d'Europe avec le RASSO qui présente l'avantage unique d’être national (voire international), de couvrir tout le spectre social et professionnel où chacun trouvera spontanément le relais idoine et même fraternel.
Il faut lancer le CV là où le vent souffle. Autrement dit là où vous avez des relais et des chances de rencontrer des recruteurs qui s'intéressent à vous. Soit qu'il y ait un poste soit qu'il n’y en ait pas, votre CV révèle un homme et un projet qui est en phase avec l'entreprise. Mais pour atteindre ces régions éthérées, il faut sentir où le vent souffle. Si vous considérez que le champ de l'économie est un cyclone, un tourbillon, une tempête, votre CV ne pourra pas avoir d'autre ambition que d'être emportée sans jamais atteindre de but. Voyons plutôt le champ de l'économie comme le champ des vents qui soufflent des quatre coins du monde, du pays, de la région, de la ville. Et tachons de prendre le vent avec l'ambition non pas d'une feuille morte mais bien du cerf-volant.
Un CV, ça se lance dans le vent. Mais pas contre le vent. Sinon, il vous revient dans la figure. Vous avez senti le vent et votre CV peut s'envoler. C'est ici une question de subtilité et de nuance. Il s'agit de la finesse du botteur d'une équipe de rugby qui tape la pénalité avec un vent de côté. Quelle est la puissance de ce vent, quelle correction va-t-il apporter dans son coup de pieds ? De la même façon, quand on est prêt à lancer son CV, il faut analyser les détails du lancement : quel est le meilleur angle pour lancer le CV ? le meilleur moment ? Les personnes relais sont des personnes qui ont leurs vicissitudes. Si le moral de votre relais est bas, votre CV n'ira pas loin. Si vous lancez votre CV le lundi matin, il ne sera pas traité et sera oublié le mardi. Si votre relais est en période de clôture des comptes ou bien dans la course pour atteindre ses objectifs de fin d’année ou en congés maternité, il fera le passe-plat sans prendre le temps de s'engager pour vous. Si vous lancez votre CV dans la période des vacances de Noël, il sera noyé en janvier sous une pile de mails et rejoindra la corbeille très vite.
Un CV, ça se lance dans le vent. Mais pas contre le vent. Sinon, il vous revient dans la figure. Vous avez senti le vent et votre CV peut s'envoler.
Si vous êtes scouts, avant de faire un CV, apprenez à fabriquer un vrai cerf-volant. Outre le chef-d'œuvre dont vous pourrez être fier, vous aurez fait un heureux parmi vos enfants, vos neveux ou vos élèves. Et quand vous aurez mesuré toute la concentration et la précision que réclame la conception d'un cerf-volant, vous pourrez alors travailler sur votre CV en remobilisant cette concentration et cette précision. Et vous ferez des recruteurs heureux.
Par Armel Garnier, consultant en recrutement dans les secteurs de l'énergie, l'armement, le transport, la logistique et l'associatif à international
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