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[Parole d'Homme] L'homme, la vigne...

25 avril 2022 Progression personnelle

Comment définir l’homme accompli ? L’homme vivant. L’homme nouveau.

Peut-on prétendre « être accompli » dans le sens ultime du terme : « être achevé », « se trouver en état de perfection » ? Il me semble qu’on ne le sera jamais vraiment de notre vivant, et c’est seulement après notre mort, purifiés au creuset de l’amour divin, dépouillés des ornements artificiels et mondains, émondés de nos stérilités dont nous laissons volontiers les branches et les feuilles nous parer. Notre responsabilité personnelle est cependant engagée au sujet de ce que nous faisons de notre vie. Et au moment de la mort, nous ne pourrons pas revenir en arrière pour réparer, pardonner, demander pardon, choisir de vivre pleinement, vivre nos rêves et nos désirs, assumer nos responsabilités, donner ce que nous avons retenu, aimer ceux que nous n’avons pas assez aimés.

Nous aimons ces branches stériles car elles œuvrent comme un ornement : d’elles naissent des feuilles qui nous cachent et faussement nous protègent. Ces feuilles ne sont que nos cache-misères. Ces feuilles cachent notre vide et notre absence de fruits. Mes feuilles sont à la fois mon compte en banque, ma jolie femme, mon SUV reluisant, mes likes sur FB, mes chaussettes à pompon ou ma montre à trois mille. Mes feuilles sont encore mes résistances, mes paravents, mes impostures, mes costumes trois pièces de dandy, mes mensonges mondains, ma superbe, mon bâton de maréchal ou le tout dernier smartphone. Ces feuilles sont les réponses passives au doute anthropologique qui m’assaille : « Ai-je de la valeur ? Quelle est ma valeur ? Quelle est ma force ? Qui suis-je ? » Ayant du mal à discerner mon identité de gloire et enfoncé depuis des années dans la croyance que je n’ai pas reçu de qualités ou de dons à la naissance, je me drape d’une parure étincelante, mais remplie de vide : mes feuilles. Je me donne ainsi une certaine consistance ; consistance creuse qui ne trompe que moi.

L’homme vivant, l’homme nouveau est un routier. 

L’homme vivant, l’homme nouveau est un routier. Il a conscience de n’être jamais arrivé. Un envoi perpétuel qui chaque matin recommence. Une image me frappe souvent, celle de l’humilité des saints. Ils sont saints et pourtant se trouvent misérables. Alors que moi, je ne suis pas saint et pourtant je me trouve pas mal du tout… Cela interpelle mon autosuffisance et me rappelle le texte de l’envoi routier : « un routier scout n’est jamais satisfait de lui-même et ne se considère jamais comme arrivé »

Être accompli, c’est être en vérité avec soi-même.

C’est la définition même de l’humilité dont l’origine est « humus ». Cet humus est un amas de matière fertile. La vérité envers moi-même, la première, est que je suis créé à l’image de Dieu. Que rajouter ? N’est-ce pas assez bien d’être à l’image de Dieu ? A moins que je n’y croie pas vraiment. Nous n’osons pas recevoir car ce qu’Il nous donne est tellement grand que nous en avons le tournis.

Moi, au fond, je suis un pauvre type qui rate souvent, peine toujours et tire la charrue de sa vie en essayant de ne pas trop se faire remarquer. Je ne suis pas à la hauteur des enjeux de ma vie. C’est du moins ce que je crois par manque de confiance en moi. Alors je nage pour ne pas me noyer.

Je me fabrique alors un petit « moi » à l’échelle qui ne me fait pas peur, faussement protecteur et fortement réducteur, un « moi » un peu grand mais pas trop, autocentré sur ma douloureuse fêlure qui me ratatine. Seuls le pardon ou le deuil peuvent être chemin de vie. Souvent, en premier lieu, le pardon envers soi-même. Un pardon difficile car supposant un sentiment de dignité. Tant que je porte cet habit de comédie, mes fruits sont condamnés à pourrir sur pieds. Car les feuilles stériles conservent l’humidité sur les fruits et obstruent le passage de la Lumière.

Couper nos branches est toujours douloureux. Que restera-t-il après la taille ? Un bout de bois tordu à l’écorce entortillée ? Oui, le dépouillement est douloureux. Le plus difficile est l’acte de renoncement, pas la perte de ce à quoi je renonce. Il ne s’agit pas d’autre chose qu’un acte de foi en la bonté de Dieu : lâcher la maîtrise et choisir de consentir au plan de Dieu pour moi. Sans sécurité, sans filet. Nous redisons sans réfléchir « que ta volonté soit faite ». Cette phrase ne signifie pas autre chose que « ton plan sur moi se réalise et que je fasse ta volonté ». Le voulons-nous vraiment ?

La vigne émondée

Il se trouve que j’ai, chez moi, un pied de vigne. Ce qui m’interpelle toujours, c’est combien il faut retirer encore et encore, combien la vigne est folle : elle est l’antithèse de la raison. Si je ne la taille pas, elle produit des dizaines de mètres de tiges à feuilles qui pompent littéralement la sève et épuisent les racines. La vigne non taillée est opulente, certes, mais ne donne pas de bons fruits. Cette vigne est semblable à ma vanité et mon orgueil : elle se veut belle et exubérante, produisant quantité d’esbrouffe, diluant sa sève pour en faire une soupe insipide. Sans taille, les fruits de la vigne n’ont pas de goût. Et si je taille, il faut encore retirer des fruits car trop de fruits annihile leur nectar. Mieux vaut 20 grappes sucrées à souhait que 50 sans saveur. Il faut donc concentrer, et contraindre la sève à se concentrer sur peu de fruits.

Plus il y a de feuilles, moins il y a de fruits, et plus il y a de fruits, moins ils ont de saveur.

Cette image de la vigne montre combien l’accomplissement de soi passe par le dépouillement. La réduction. Nous passons notre vie à amasser des biens et nous renâclons à nous émonder. C’est pourtant le seul chemin que peut suivre un scout pour que sa vie soit féconde.

 

Coach professionnel et délégué général Au Cœur des Hommes
Ancien de la 1e Coëtquidan
 
 



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