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« LE GRAND DILEMME DE L’IDEAL » - Mot du Padre par Don Maxence Bertrand
Manier un grand idéal avec sagesse et discernement, voilà un élément clé de la pédagogie du scoutisme et de toute éducation humaine et spirituelle. Le mot même d’idéal fait peur à certains alors que d’autres s’y accrochent.
Est-ce qu’un idéal de grandeur, de service ou d’honneur relève du rêve ou de l’illusion propre à la jeunesse ? Dans un très beau texte, le Père Jacques Sevin rappelait le sens du réalisme dans la vie scoute.
« Chez le scout et dans la vie scoute rien de convenu, de factice, de truqué. L’âme et les choses sont vraies. On est ce qu’on est, et paraître importe peu. N’avons-nous pas horreur instinctive de tout ce qui est apparat, masque et parade ? La réalité, voilà ce qu’il nous faut et ce que seul nos yeux admirent. Sincérité des paroles, sincérité des regards, sincérité du cœur. C’est cela qui crée cette atmosphère de confiance, de droiture claire et de charité que l’on respire chez nous : l’air du bon Dieu, qui est vérité. »
L’idéal est en même temps appelé à entrer dans la terre pour prendre racine dans le terreau fécond de la vie ordinaire.
La question est alors cruciale : L’idéal nous éloigne-t-il du réel ou nous permet-il d’y entrer davantage ? Précisément, ce lien entre idéal et réalité constitue un critère fondamental de discernement.
Dans l’Évangile – et en particulier dans la parabole du semeur – Jésus offre, me semble-t-il, un critère important. L’idéal doit être semé dans la bonne terre, c’est-à-dire dans l’épaisseur du réel.
L’idéal est un horizon, la promesse d’une fécondité, celle des fruits à venir. Mais l’idéal est en même temps appelé à entrer dans la terre pour prendre racine dans le terreau fécond de la vie ordinaire.
Si l’idéal étouffe dans les soucis et le confort de la vie, il n’est que le signe d’une immaturité appelée à passer. Les ronces de la facilité ne permettront pas de porter les fruits espérés.
Mais la terre peu profonde de ceux qui balaient toute forme d’idéal et de grandeur, la terre peu profonde des déçus et des cœurs étroits ne permettront pas davantage de récolter les fruits attendus. Le réalisme du Père Sevin n’est pas la petitesse du don.
Alors comment creuser pour semer un désir de grandeur et de service ?
L’enjeu de tout idéal, c’est le travail de la terre et la terre est l’image de l’épaisseur de notre humanité.
Travailler la terre, c’est accepter d’être retourné par les épreuves et les contrariétés des jours, c’est consentir au temps et à la patience, c’est lutter de toutes ses forces contre l’habitude qui endort et qui parfois endurcit.
Travailler la terre, c’est creuser, dans la prière, notre humilité en veillant attentivement à la vitalité de nos plus grands désirs, acceptant qu’ils ne soient pas encore assouvis. C’est veiller à nos efforts quotidiens en gardant nos yeux fixés au-delà de nous-mêmes.
Travailler la terre, c’est faire grandir en nous la vertu du courage. Le courage de consentir au réel et de laisser battre dans notre cœur la grandeur de nos désirs. Le courage de tenir l’horizon et l’enfouissement, l’espérance et la pauvreté, la gloire et la croix.
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