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Interview de Philippe de Chanville, Vice-Président du Rasso : "Mon rôle de manager est de discerner les talents de chacun"
30 juillet 2020
Les portraits du RASSO
Interview de Philippe de Chanville, Vice-Président du RASSO.
Philippe est également père de cinq enfants, chef de groupe adjoint et co-fondateur de ManoMano
Peux-tu nous expliquer ton parcours scout ?
J’ai été louveteau, scout, chef de patrouille puis routier. J’ai décidé d’arrêter pendant deux ans, avant de reprendre lorsque je faisais mes études à Lille comme chef de troupe pendant deux ans. Lorsque j’étais chef de troupe, j’ai pris mon départ routier, ce fut un grand moment pour moi. Par la suite, j’ai été amené à partir en Angleterre, pendant dix ans, j’ai donc arrêté de nouveau. J’ai repris récemment en tant que chef de groupe adjoint dans un groupe où nous essayons de monter une troupe.
Quel métier exerces-tu ?
J’ai créé une entreprise avec un associé il y a quelques années, ManoMano, un site de vente de produits de bricolage, jardinage et décoration et aujourd’hui, nous gérons l’entreprise.
Comment es-tu venu à t’impliquer au sein du RASSO ?
Un de mes amis, Pierre-Edouard Sterin, très attaché à l’Association des Guides et Scouts d’Europe, m’a convaincu de le faire. J’ai été très vite partant ! J’en suis le Vice-Président et fais partie du Conseil d’administration du RASSO.
En effet, je pense que l’AGSE a un potentiel immense. Le scoutisme est un mouvement d’éducation qui a vocation à être ouvert à tous les jeunes et à se développer. Pour arriver à cela, il faut recruter plus de chefs, les former et avoir les moyens de le faire. Le RASSO, en mobilisant les anciens autour du mouvement, peut contribuer à son développement.
Quel est l’objectif du RASSO ?
L’association souhaite réunir la communauté des anciens du mouvement et créer une dynamique afin de soutenir les Guides et Scouts d’Europe. L’idée est aussi de (re)vivre ce que nous vivions pendant nos années de scoutisme, cette fraternité et cette entraide afin de les mettre au service du Bien commun, dans un monde où cela devient de plus en plus nécessaire.
Le RASSO est donc un réseau d’entraide professionnel mais aussi personnel et familial. On peut s’aider entre anciens pour une recherche d’emploi mais aussi pour trouver une baby-sitter ou un étudiant pour du soutien scolaire, pour prêter du matériel, ou encore en donnant des conseils aux plus jeunes au début de leur vie professionnelle... Nous sommes dans la continuité de la pédagogie scoute basée sur la notion d’aîné partageant son expérience avec les autres, notamment les plus jeunes.
On retrouve cela dans les différentes étapes de la vie scoute, que ce soit au sein de la « famille heureuse » avec Akela, les vieux loups et les louveteaux ou louvettes ; au sein de la patrouille, avec le CP (chef de patrouille) et ses guides ou scouts ; puis avec les aînés, en feu, en clan ou en inter-maîtrise.
Le RASSO ne fait que prolonger cette transmission et ce partage dans la « vie d’après », dans notre vie professionnelle et personnelle. Ceux qui souhaitent en bénéficier sont invités à s'inscrire et participer à la vie de l’association !
Comment fais-tu pour être scout dans ta vie professionnelle ?
C’est une bonne question, on essaye tous !
Être scout, c’est avant tout être chrétien, être engagé, essayer d’agir avec sa conscience. Nous sommes nombreux à chercher à agir en chrétien et en scout au quotidien ! Ainsi, que ce soit en tant que chef d’entreprise, père de famille, collègue, ami mais aussi en tant que routier ou scout, j’ai pris l’engagement de servir la Cité et de travailler pour le Bien Commun. C’est ce que j’essaye de faire par l’intermédiaire de cette association, et que j’essaye d’accomplir en dehors de l’entreprise en participant à des activités pour le bien de la Cité, même si ce n’est pas toujours simple aujourd’hui. En tant que guide ou scout, nous avons ce devoir d’aider notre prochain. Notre prochain, c’est plus largement le monde dans lequel nous vivons.
Le devoir du scout est donc aussi d’aider ce monde tel qu’il est et se mettre au service de causes qui lui semblent justes et ayant un impact social positif.
Qu’est-ce que le scoutisme t’a apporté dans ton parcours et ta vie professionnelle ?
J’ai beaucoup appris grâce au scoutisme ! Je relèverai trois dimensions plus particulièrement :
La première, la plus évidente, c’est le management. C’est une notion essentielle.
Lorsqu’on est guide ou scout, et plus encore quand on devient chef de patrouille puis d’unité, on développe ses capacités d’organisation, compétence nécessaire pour manager. A cela on peut ajouter la capacité d’anticipation, nécessaire par exemple pour organiser des week-ends et des camps.
Il y a également l’apprentissage de la notion de relation avec les subordonnées. Comment gérer ses assistants lorsque l’on est chef de troupe, alors même que tous ou presque ont le même âge ? On se forme à gérer des personnes qui sont aussi des amis, pour arriver à structurer, à hiérarchiser et surtout à donner du sens, afin que tout le monde ait envie d’avancer dans la même direction. Et puis mine de rien, il faut avoir une forme d’autorité aussi.
La 2ème dimension, c’est donc l’autorité. Les jeunes, les adolescents, cherchent cette autorité, ils en ont besoin. Elle leur permet d’avoir un cadre que le chef de troupe donne. Ce cadre, c’est une éducation à la liberté. Le cadre est donné par le chef de troupe mais c’est bien le scout ou la guide qui fait le choix de ce cadre et exerce sa liberté en faisant librement ce choix. En tant qu’éducateur, chef de troupe, il y a une notion d’autorité bienveillante, d’autorité positive, que l’on peut retrouver dans le management d’entreprise.
Le 3ème point, c’est l’écoute. En tant que scout, on apprend à être à l’écoute. Un chef de troupe n’a pas réponse à tout. Pour réussir la mission qui lui est confiée, il peut compter sur les parents, le chef de groupe, et toutes ces personnes autour de lui qui sont là pour l’aider. En écoutant leurs conseils, le chef de troupe progresse pour remplir au mieux son rôle.
Le scoutisme, une école de management ayant vocation à « faire grandir »
Enfin, dans le management, il y a une dimension très scoute, qui est de « faire grandir ».
C’est d’ailleurs notre rôle à tous. Pour ma part, cela signifie faire grandir mes enfants en tant que père, faire grandir notre relation de couple en tant qu’époux...
En tant que chef d’entreprise, mon rôle est de faire grandir mes salariés. Dans la mission de notre entreprise, nous explicitons très clairement que notre rôle est de permettre aux gens qui choisissent de venir travailler chez nous d’y grandir personnellement et professionnellement. Concrètement, cela veut dire gagner en maturité, en expérience et apprendre à mieux se connaitre. Et ça finalement, c’est exactement ce que permet le scoutisme !
En effet, le scoutisme permet de prendre conscience de ses talents, prendre conscience de ses forces, de miser dessus pour gagner en confiance en soi et les mettre au profit de la communauté. C’est notamment le rôle des postes d’actions dans la patrouille. Le chef de patrouille est amené à déceler les talents et les progressions possibles de chacun des patrouillards. Les postes d’action leur sont donnés en fonction de cela afin qu’ils épanouissent et prennent confiance en eux, le but ultime étant de leur permettre de devenir des adultes solides et équilibrés apportant leurs talents à la société ou au groupe.
En tant que chef d’entreprise, c’est la même chose ! Mon rôle de manager est de discerner les talents de chacun. Discerner leurs points forts, les mettre en avant et leur donner la possibilité de s’appuyer sur leurs talents dans le monde de l’entreprise. C’est bon pour l’entreprise et c’est bon pour la personne elle-même car elle entre ainsi dans un cercle vertueux où elle s’appuie sur ses talents, ose prendre des initiatives, gagner en autonomie et tout cela la conduit vers de beaux succès ! Et comme elle est motivée, elle a encore plus confiance en elle, ce qui entraîne davantage d’initiatives qui lui permettent de se faire remarquer positivement… Bref, cela constitue un cercle vertueux à la fois pour chaque individu et pour l’entreprise.
Inversement, certaines personnes n’ont pas encore trouvé leur place et peuvent manquer de motivation, d’initiatives, ne se font pas remarquer par des résultats exceptionnels bien qu’ils soient brillants. Ils n’ont tout simplement pas encore trouvé leur place.
En tant qu’entrepreneur, mon rôle est de discerner le talent de chacun pour mettre chaque personne à la bonne place. Parfois, je n’ai pas la bonne place pour telle personne dans mon entreprise selon ses talents et ce n’est pas un problème ! Mon rôle est de le dire et de l’expliquer très clairement afin que chacun trouve sa place en dehors ou au sein de l’entreprise.
Dans le scoutisme, le chef de troupe comme le CP sont là pour aider les garçons qui leurs sont confiés à mieux se connaître et à discerner leurs talents. Dans le monde de l’entreprise, cela se traduit par des bilans RH semestriel ou trimestriel. Dans un camp scout, ça porte un tout autre nom : une cour d’honneur et au fond, c’est la même chose ! C’est fondamental de mettre la personne et l’humain au cœur de tout !
Il faut ajouter à cela la formation du caractère qui est tout aussi importante. L’école de la nature et du scoutisme est une école exigeante qui nécessite patience et endurance.
Il peut faire froid, on peut avoir faim, il peut faire chaud, et c’est comme ça ! Un scout qui part en WE trois jours dans la neige sait qu’il en a pour trois jours et il fait avec. Il apprend que tout ne dépend pas de lui. Il ne recherche pas la facilité et le confort.
De même, dans la vie professionnelle, il y a des choses qui ne dépendent pas de nous, il faut accepter qu’il y ait des situations non maîtrisables. Il faut une certaine endurance et être capable d’être constant sur son chemin.
Personnellement, la joie ressentie dans ma vie professionnelle est venue des vertus découvertes dans ma vie scoute.
Quels sont les atouts d’un scout dans une entreprise ?
Ceux qui ont le sens des responsabilités et qui prennent des initiatives ont énormément de valeur et ils sont rares. Devenir une personne capable d’être moteur dans le but d’une réussite commune et non individuelle, c’est exactement ce qu’apporte le scoutisme. En ce sens, les (anciens) scouts ont beaucoup de valeur pour une organisation.
Propos recueillis par Céleste Forget, en collaboration avec Sybille Hoffman
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