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[PORTRAIT DU RASSO] Yves-Emmanuel Tiengou, CG d'une patrouille scoute avec un p'tit truc en plus
Le RASSO : Est-ce que vous pouvez nous expliquer quelle est la particularité de votre groupe scout ?
Yves-Emmanuel Tiengou : Au sein du mouvement des Scouts d’Europe, nous avons créé cette année un tout nouveau groupe scout à Lyon dont la mission est d’accueillir des jeunes garçons âgés de 12 ans plus porteurs de handicap mental (trisomie 21 et troubles autistiques). Notre unité est dédiée à ces enfants et leur permet de découvrir le scoutisme dans un cadre fraternel et parfaitement adapté à leurs capacités. Les garçons qui nous ont rejoint avaient pour la plupart des frères et sœurs qui avaient été scouts/guides et ils avaient un désir fort de vivre eux aussi l’aventure scoute.
Le constat que j’avais fait était qu’il est tout à fait envisageable d’accueillir un jeune porteur de handicap mental aux louveteaux ou aux louvettes dans la mesure où l’unité de vie est en meute ou clairière animée par des chefs ou des cheftaines, mais il est vraiment difficile de pouvoir l’intégrer à la troupe. En effet, aux scouts (à partir de 12 ans), l’unité de vie est la patrouille dont la responsabilité est confiée à un jeune CP de 15 ou 16 ans ; ce qui rend l’accueil d’un enfant porteur de handicap vraiment délicat et mettrait à risque tout le fonctionnement de la patrouille, soit en focalisant toute l’attention sur ce jeune, soit en ne l’intégrant pas assez ou n’adaptant pas assez les activités à ses aptitudes.
Ainsi, cette année, nous avons la grande joie d’offrir toute la beauté de notre mouvement à 5 scouts qui n’avaient pas accès au scoutisme jusqu’à présent.
Le RASSO : Comment fonctionne votre groupe ?
Yves-Emmanuel Tiengou : Le mode de fonctionnement est simple : vivre des moments conviviaux et fraternels. Notre patrouille des Archanges fonctionne sur la parité en nombre entre nos chefs encadrants et nos scouts porteurs de handicap. C’est une clé de voûte nécessaire pour que nos chefs accompagnent nos scouts dans leur activité en les laissant faire par eux-mêmes sans que les chefs ne fassent pas à leur place.
Nous suivons le thème d’année proposé par le national « Choisis l’essentiel et va vers les cimes ». Ceci nous a semblé vraiment adapté à notre mission où nos chefs sont au service de nos scouts pour leur faire découvrir nos fondamentaux en reprenant les 5 buts du scoutisme : la santé, le sens du service, le sens de Dieu, le sens du concret et la formation du caractère, en les adaptant à leurs aptitudes et en essayant de les amener au maximum de leurs capacités. C’est dans cet état d’esprit que nous allons vivre six sorties dans l’année.
Le RASSO : Quel est la journée-type de la patrouille des Archanges ?
Yves-Emmanuel Tiengou : Pour lancer nos activités, nous commençons la journée par la messe à la basilique de Notre Dame de Fourvière. Les prêtres ont désormais l’habitude de nous voir et sont heureux d’accueillir nos jeunes avec un « p’tit truc en plus ». Après la messe, nous descendons dans la colline de Fourvière où nous avons accès au grand jardin d’une communauté religieuse. Le service du bois se met en route dans la bonne humeur et chacun met la main à la pâte pour préparer un bon repas cuisiné au feu de bois. L’après-midi est ensuite dédiée aux jeux et à la découverte des différentes techniques scoutes. Nous alternons les activités calmes comme les jeux d’observation (jeux de Kim par exemple) avec des moments plus sportifs (parcours Hébert, relais, etc.).
La joie est présente toute la journée, les blagues fusent et l’enthousiasme ponctue nos activités notamment lors de séances d’expression avec des scénettes ou l’apprentissage de chants.
Le RASSO : Qu’est-ce qui vous a amené à créer ce groupe ?
Yves-Emmanuel Tiengou : Mes motivations sont multiples. Au départ, je dirais que j’ai été marqué par le message du Saint Père Jean-Paul II aux Journées Mondiales de la Jeunesse à Rome en 2000, le fameux « N’ayez pas peur ! » où il nous avait à nouveau appelé à cheminer vers le Christ et agir pour rendre le monde meilleur.
J’avais participé quand j’étais étudiant à plusieurs week-ends avec l’association ‘A Bras Ouverts’ où je m’étais occupé d’enfants porteurs de handicap et notamment d’un petit Vincent qui était tétraplégique. Ce fût des expériences fortes où j’avais goûté la joie de servir les plus petits et ce, dans un incroyable ambiance de joie. J’avais refermé cette parenthèse avec les enfants porteurs de handicap jusqu’à ce qu’un ami de la paroisse vienne me voir il y a 4 ans, quand j’étais chef de groupe, pour me demander s’il serait possible d’accueillir son fils Joakim aux louveteaux. Nous nous sommes concertés avec mes cheftaines et nous avions organisé la maîtrise avec une cheftaine en plus pour l’accueillir pendant deux ans. Ce fût une aventure très riche pour la meute, pour nos cheftaines et pour Joakim bien entendu ... mais après coup, une zone de frustration m’était restée dans la tête car Joakim était plus à côté de la meute que vraiment dans les activités avec les autres garçons.
Il y a un an, mes anciennes cheftaines ont participé au projet de la création de la patrouille Sainte Clothilde d’accueil de jeunes filles porteuses de handicap mental à Lyon sous l’impulsion d’une jeune cheftaine de compagnie lyonnaise Marguerite. J’ai suivi la mise en place de ce magnifique projet et j’ai beaucoup échangé avec elles. Entre temps, j’avais quitté mon précédent service de chef de groupe et j’avais cherché à m’ouvrir à de nouvelles opportunités professionnelles mais sans succès. Je ressentais le besoin de m’équilibrer personnellement avec un nouveau projet à lancer. Un projet scout s’est imposé comme une évidence, le scoutisme a toujours été important pour moi car il m’a permis de me construire quand j’étais jeune, moi qui étais très introverti. Dans un cadre bienveillant et protégé, j’ai pu y ouvrir mes ailes. J’ai conscience que j’ai beaucoup reçu et j’ai à cœur de continuer à servir pour que notre mouvement continue à rayonner.
La cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques cet été a été un vrai déclencheur pour moi. Le blasphème de cette parodie de la cène du Christ à laquelle nous avons assisté a été pour moi source d’une grande colère. Je me suis senti atteint et j’ai eu à cœur de réagir positivement. A ce moment-là, je me suis rappelé que notre devoir de chrétien était de faire le bien autour de nous et ça m’a travaillé. J’avais envie de faire quelque chose de simple et de beau. Et puis un matin, j’ai reçu ce cadeau dans ma prière et je me suis dit : créer un groupe scout d’accueil d’enfants porteurs de handicap oui, ça je crois que je peux le faire. Et du coup, je me suis lancé.
Quand j’ai eu cet été au téléphone la maman de mon premier scout qui m’a annoncé que dans sa prière avant d’aller se coucher son fils Grégoire priait chaque jour pour devenir scout, j’ai compris que j’étais à ma place et que l’énergie que j’allais déployer pour créer ce groupe allait être source d’une très grande joie. Je n’ai aucune compétence spécifique pour l’encadrement de jeunes porteurs de handicap mais j’ai juste envie de leur faire vivre une belle expérience de scoutisme en cherchant à l’adapter tout simplement à qui ils sont.
Le RASSO : Quel profil de chefs avez-vous recruté ?
Yves-Emmanuel Tiengou : Nos jeunes chefs appartiennent à une génération portée par le sens et sont extrêmement généreux. C’est une très belle source d’espérance pour les années à venir. Ce projet les a personnellement touchés et ils sont tous vraiment super motivés.
Nous avons la chance d’avoir une maîtrise très complémentaire. Chacun a une histoire différente avec le monde du handicap. Certains ont des frères ou des cousins porteurs de la trisomie 21, d’autres en ont accueilli dans leur meute en tant que louveteau ou quand ils étaient chefs ou ont participé à des camps dédiés aux enfants porteurs de handicap avec l’ordre de Malte. Ils ont un vécu scout qui est très variable qui va de l’ancien chef de patrouille raider à un chef qui découvre avec nous le scoutisme. Mon chef de troupe, Côme, a été charge d’âmes d’une troupe pendant plusieurs années, j’ai pu m’appuyer sur son expérience pour chercher à ajuster nos activités à nos scouts. Il est étudiant en médecine et souhaite devenir pédiatre et ce projet a vraiment raisonné avec ses aspirations.
Avec six sorties dans l’année, cela permet d’avoir un engagement relativement modéré, ce qui permet à des chefs qui souhaitaient arrêter le scoutisme ou qui souhaitaient avoir un autre engagement en plus de réussir à coller à leurs aspirations. Ils ont tous en commun d’avoir une belle générosité et ce désir d’être au service des plus petits. Ce qui est vraiment génial avec notre groupe c’est que nous sommes sur un triptyque vertueux. Mes chefs grandissent avec cette expérience humaine incroyable, nos scouts savourent de goûter enfin à l’aventure scoute et nos familles sont fières de voir leurs fils s’épanouir avec nous et sont de fait déchargées six jours par an pour se ressourcer ou se reposer.
Le RASSO : Et quelles sont les prochaines étapes pour la patrouille des Archanges ?
Yves-Emmanuel Tiengou : Ma plus grande joie sera de recevoir la promesse d’un de nos scouts sur le mois de mai. Son désir est intense et son engagement entier. Les enfants qui nous sont confiés ont une connexion avec Dieu qui nous dépasse et nous avons la chance d’en être les témoins ; nous grandissons aussi dans la foi grâce à eux.
Nous sommes le deuxième groupe de ce type en France, mon souhait le plus sincère est que notre témoignage interpelle et que d’autres initiatives de création de patrouille des Archanges se mettent en place dans toutes les grandes villes de France.
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