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Donner et recevoir, demander et refuser, 4 verbes à conjuguer pour une relation saine
Deux grands désirs habitent chaque être humain : aimer et être aimé, Nous sommes tous en quête de relations où l’amour nous enrichit, nous fait grandir, nous fait nous sentir libre et non de relations qui nous enferment dans une cage dorée. Pour ne pas nous laisser enfermer, nous pouvons jongler avec quatre verbes qui permettent de poser les bases d’une relation saine : recevoir, donner, refuser, demander.
Une relation saine, c’est lorsque chaque personne est libre d’être soi-même, dans le rire ou dans les larmes. Bref, d’être en vérité. Cela ne se vit que dans la réciprocité, ce qui nécessite la reconnaissance de l’autre comme personne à part entière. Dans une relation saine, chacun peut exister tel qu’il est, se sentir accepté, respecté.
Recevoir : une preuve de confiance
Dans Amoris Laetitia, le Pape François écrit : « Celui qui veut donner de l’amour doit aussi le recevoir comme un don ». (n°157). Recevoir, c’est accepter que l’autre m’apporte de la joie et prenne soin de moi. Ce n’est pas de l’égoïsme : c’est un équilibre dans la relation, où je ne crains pas de me laisser toucher par l’autre.
Pour certains, il peut être plus facile de donner : c’est plus gratifiant. Souvent, on n’aime pas recevoir par peur de devoir rendre une contrepartie ou de passer pour un faible. Cette peur n’est pas injustifiée, car certains utilisent parfois le don à mauvais escient, pour obtenir quelque chose en retour. Les dons intéressés sont souvent source de reproches dans l’amitié ou dans le couple, d’où l’importance de donner librement pour ne pas enfermer l’autre. Pour autant, quand le don que me fait l’autre est ajusté, je dois accepter de recevoir de lui.
« L’idéal du couple ne peut pas se définir seulement comme une donation généreuse et sacrifiée, où chacun renonce à tout besoin personnel et se préoccupe seulement du bien de l’autre, sans aucune satisfaction ». (Amoris Laetitia n°157)
Tout en gardant à l’esprit que l’autre n’est pas responsable de mon bonheur même s’il y contribue. C’est moi qui le suis ! « Vous devez toujours essayer de compter sur vous-mêmes et non pas sur ce que les autres peuvent faire pour vous », disait Baden Powell. Compter sur soi-même, cela veut dire bien se connaître et être avant tout son propre meilleur ami. Pour pouvoir ensuite recevoir l’autre comme un cadeau.
Mais cela ne va pas de soi : nous avons tellement envie d’être aimés que nous sommes souvent en attente de recevoir de l’attention, des compliments, des services et, derrière tous ces mots, de l’amour ! Tout attendre perpétuellement de l’autre, vouloir toujours plus, ne jamais être rassasié fausse la relation. Quand la demande – légitime – devient exigence, l’autre n’est considéré qu’en fonction de l’utilité que j’en ai.
Par exemple dans l’amitié « Je me sens seul(e), tu dois m’appeler tous les jours », dans la relation amoureuse « Je n’ai pas confiance en moi, tu dois faire à ma place », dans un couple marié « Je voudrais que l’on sorte, tu dois organiser une fête » Ce que l’on reçoit vraiment de l’autre est ce qu’il nous offre en toute liberté, sans pression de notre part.
Si le don n’est pas libre il risque d’être tronqué : je t’offre ce dont j’ai besoin pour être reconnu, aimé, obtenir un statut, … bref ce que je désire. Pour autant, cela peut se faire sans mauvaise intention, on donne ce que nous aurions aimé recevoir et qui ne correspond pas forcément au désir de l’autre.
Voici quatre questions qui permettent de mieux comprendre si ma capacité à recevoir est ajustée : Est-ce que j’accepte de recevoir de l’autre pour lui permettre de donner ? Est-ce que j’accepte d’accueillir l’autre dans sa différence ? Est-ce que je cherche à le façonner à l’image que je veux ? Est-ce que je suis vigilant à recevoir de moi-même ? Est-ce que je tiens l’autre responsable de mes insatisfactions ? Est-ce que j’ai suffisamment d’estime de moi ?
Peut-on recevoir sans donner ?
« La question n’est pas « qu’est-ce que je peux avoir ? » mais « qu’est-ce que je peux donner dans la vie ? » disait BP. Recevoir et donner sont intrinsèquement liés. Si je reçois, je permets à l’autre de donner et si donne, je permets à l’autre de recevoir.
Donner, dans la relation, c’est avant tout donner de la disponibilité, de l’écoute, qui montrent à l’autre qu’il est important pour nous. C’est aussi sortir de sa zone de confort. On observe par exemple souvent dans les couples que l’un assume un rôle et l’autre se repose dessus. Jusqu’au jour où cette organisation ne convient plus et devient une source d’épuisement. Ce qui oblige parfois à prendre le relais, c’est-à-dire à donner ce que l’on n’avait pas prévu de donner. Et oblige à essayer de grandir dans une nouvelle compétence par amour de son conjoint. C’est un peu comme le poste d’action dans une patrouille, il n’est pas attribué en fonction des talents de la personne mais pour le faire grandir.
Donner montre mon implication dans la relation et l’importance que je porte à l’autre personne. Cela m’oblige à me remettre en question : car il peut arriver que l’on donne ce qui ne nous a pas été demandé et que l’on soit tout simplement à côté de la plaque. Comme cette femme qui offrait à son mari son morceau préféré, la cuisse du poulet. Un jour, elle lui donna l’aile et se garda la cuisse. Son mari la remercia fortement, il raffolait des ailes de poulet et en était privé depuis le début de leur relation…
On l’aura compris, donner n’est pas forcément quelque chose de matériel. Donner concrètement, c’est donner un bonjour, de l’écoute, un merci, de la gratitude, un pardon, du temps, de la présence, un cadeau, du silence, de l’attention, un service, des compliments, de l’amour, de la tendresse, de la consolation…
Apprendre à refuser
Refuser permet de se respecter, de respecter ses besoins, ses valeurs et ses limites pour respecter l’autre, notre couple, notre famille. Cela nous aide à gagner en liberté, fait que chacun puisse être en confiance et en vérité. Quand nous ne parvenons pas à fixer des limites, arrive souvent un moment où on se sent utilisé, exploité, maltraité et dans la peur. Pour éviter cela, c’est important de connaître ses limites. Le scoutisme est un lieu pour les expérimenter, les dépasser mais aussi les accepter.
Dans une amitié, une relation amoureuse, un couple, il est important de savoir dire non mais aussi de savoir dire oui, de savoir ce qui est bon pour chacun, bon pour la relation, bon pour notre liberté intérieure. La question du consentement est aujourd’hui d’actualité.
Lorsqu’une chose nous pose problème, quelques questions peuvent nous aider au discernement : Pourquoi est-ce difficile de refuser ? par envie de faire plaisir, de plaire à l’autre, d’être aimé ? Est-ce la gestion du conflit qui nous effraie, la peur de la colère, d’être rejeté, d’être quitté, de décevoir, en fait de perdre l’amour de l’autre ou de le blesser ? Mettre les formes adoucit les choses. Est-ce que je le dis brutalement ou avec empathie, bienveillance et respect ?
Demander… au risque du refus
Dans une relation saine, on peut se dire nos désaccords. Désaccord ne rime pas avec désamour, ce n’est pas de l’égoïsme ou de la méchanceté. On ne peut pas faire tout tout seul : nous ne sommes pas tout-puissants. C’est bien pour cela qu’il est important d’apprendre à demander, d’accepter l’aide des autres. C’est ce que l’on expérimente pendant les installs : on a besoin des autres pour construire quelque chose ! On ne monte pas une tente surelevée en étant seul. Cela nous permet de rentrer dans l’altérité, d’accueillir la différence et de s’en enrichir.
L’autre n’est pas dans ma tête. Si je ne dis pas ce que j’ai à dire, il ne le devinera pas. C’est pour cela que nous sommes amenés à demander de l’aide, un pardon, une concession, un câlin, de l’attention, un moment de qualité…
Demander, c’est aussi accepter que l’autre puisse refuser, c’est-à-dire laisser à l’autre la responsabilité de son refus ou de son acceptation. C’est le seul risque et, si l’autre refuse, c’est sûrement par respect pour lui-même et non contre moi. Notre façon d’accueillir le refus interpelle notre capacité à gérer la frustration. Refuser n’est pas rejeter.
Est-ce difficile pour moi de demander ? Comment je vis le désaccord ? le conflit ? Comment j’accueille le refus ? Ces questions sont au service de la confiance mutuelle, pour que chacun se sente respecté dans ses relations avec les autres.
Conclusion
Il y a de la joie à être ensemble ! Dans la majorité des cas, l’enfant va commencer par être aimé, pour s’aimer et pour aimer l’autre. Eduquer les jeunes à recevoir, donner, refuser et demander, c’est leur permettre de se préparer à être des adultes solides dans leur relation. Dans la pédagogie scoute, le loup commence par recevoir et petit à petit va apprendre à donner et plus encore en étant CP puis chef. Cela participe à la formation du caractère et prépare à des amitiés, des relations amoureuses, une vie de couple marié. Vivre pleinement ces quatre verbes permet d’aimer l’autre sans l’utiliser. Nous sommes tous appelés à cette chasteté relationnelle dès notre baptême. Avant de s’engager dans le mariage, ou même après, il est bon de revisiter ces quatre verbes qui aident à construire la relation, qui permettent à chacun de se sentir en sécurité dans la relation.
Par Bérengère de Charentenay
Conseillère conjugale et familiale au Cabinet Raphaël
Ancienne cheftaine de groupe
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